Message de Patricia Miralles, Ministre déléguée auprès du ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens Combattants.
Dans l’étreinte sourde de l’Occupation, quand le pays semblait s’être effondré sous le pas de l’ennemi, quand l’espérance paraissait se taire jusque dans les pierres les plus anciennes, il y eut des âmes debout. Il y eut des femmes, des hommes, des jeunes parfois à peine sortis de l’enfance, qui ne voulurent pas croire que la France pouvait mourir sans avoir lutté jusqu’au bout.
Une poignée d’ombres marchèrent à la lumière de leur seul refus. Leurs gestes, certains petits, d’autres grands, étaient chargés de toute la gravité du monde.
Dans les greniers, les forêts, les soupentes, des promesses furent semées. Un regard dérobé devenait un serment. Une main tendue une insurrection. Un bout de papier contenait le monde entier dans sa pliure.
Ainsi naquit la Résistance.
Le 27 mai 1943, dans la pénombre où la peur faisait son nid, des femmes et des hommes, unis par l’urgence et la fidélité, prirent le risque immense de s’asseoir à la même table. Réunis autour de Jean Moulin, ils venaient de partis, de courants, de traditions différentes, parfois opposées. Mais ils partageaient une même foi : celle que la France ne mourrait pas, tant que des Français refuseraient l’abaissement, tant qu’ils sauraient s’unir au-delà des divergences politiques.
Ils ne s’étaient pas choisis, ils s’étaient reconnus. Et pourtant, ni uniforme, ni étendard pour les distinguer. Leur seule bannière : l’idée que la France ne serait pas mise à genoux sans combattre, et qu’elle ne pouvait vivre sans liberté. Mais l’idée, quand elle brûle au fond des âmes, devient plus tranchante que le fer.
Et déjà, dans le huis clos de cette nuit politique se dessinait l’inespéré : un avenir qu’on arrache au présent. Un destin qu’on arrache à l’oubli.
Ce jour-là est né le Conseil national de la Résistance. Et ce jour-là, déjà, se révélait ce qu’était véritablement la Résistance : un sursaut moral avant d’être une force armée. Le sursaut d’un peuple qui se souvenait de ce qu’il était, et qu’il ne voulait pas cesser d’être.
Le Conseil national de la Résistance, c’est le nom de deux volontés qui ne cédèrent jamais : combattre l’oppression et préparer l’après. Résister à l’ennemi, et reconstruire la France.
Les résistants n’avaient pour eux que la parole, l’honneur, la foi en la liberté et cette idée de la France que l’ennemi ne pouvait comprendre : une France fraternelle, rebelle, éprise de justice.
En cette année 2025 où nous commémorons les 80 ans des Débarquements, de la Libération et de la Victoire, nous pensons à celles et ceux qui, dans l’ombre, tracèrent les premiers sillons du relèvement, des studios de la BBC à la rue du Four.
Ils préparèrent l’aube, quand tout semblait voué au crépuscule. Ils semèrent les cailloux blancs du retour, quand tout chemin paraissait perdu. Et, s’ils n’avaient pas la certitude de vivre, ils portaient en eux la promesse que la France, elle, vivrait encore après eux.
Ils préparèrent le terrain, transmirent les renseignements, organisèrent les sabotages, dressèrent des obstacles, permirent les soulèvements. Ils furent le socle invisible et invincible de la Libération. Sans eux, les Alliés auraient trouvé une terre moins préparée, un peuple moins debout, un pays plus seul.
Sans eux, la victoire aurait été plus incertaine, plus lointaine, peut-être même plus vide de sens. Car il ne s’agit pas seulement d’être libérés. Encore faut-il être dignes d’être libres.
La Résistance fut le visage de cette dignité. Une dignité arrachée à la honte de la compromission, une dignité de combat, une dignité française. Le visage de la France, lorsqu’elle reste fidèle à la République.
Sans la Résistance, la France aurait peut-être été libérée, mais elle n’aurait pas été relevée.
Sans la Résistance, la République aurait survécu, mais elle n’aurait pas été rétablie avec cette force intérieure, cette légitimité du sang versé pour elle.
Aujourd’hui, nous ne devons pas seulement mémoire à ces visages disparus : nous leur devons fidélité. Il y a celles et ceux que l’Histoire a retenus, et il y a aussi les milliers de visages anonymes, jeunes ou vieux, croyants ou athées, patriotes de naissance ou Français de cœur, qui surent, qu’à certaines heures, résister, c’est vivre pleinement.
Leur demeurer fidèle, c’est, aujourd’hui encore, cultiver leur héritage.
Choisir la droiture contre les faux semblants.
La mémoire contre l’amnésie.
La parole juste contre l’imposture.
Les peines de la veille au confort du sommeil.
Vive la République.
Vive la France.